Quelques idées reçues sur la danse traditionnelle

Il me paraît intéressant de reproduire ici quelques éléments tirés du livre "La danse traditionnelle en France" d'Yvon GUILCHER.
Ils permettront, je l'espère, de corriger quelques idées reçues, et fausses, que l'on entend ou lit couramment, et qui ont la vie dure. (Eric LIMET)


BAL FOLK

Bal revivaliste où se pratiquent, pêle-mêle, des danses traditionnelles (bourrées, rondeaux gascons, rondes bretonnes, sauts basques, branles béarnais, maraîchine vendéenne), des danses populaires non traditionnelles (valse, mazurka, scottish, polka, redowa) et des danses anciennes (branles, contredanses).


COCHINCHINE

Il s'agit d'une danse danoise. Elle tire son nom des poules Cochinchine (en danois Tppede Hone : poule huppée), reconnaissables à leur crête particulière.
En tant que danse, Cochinchine reprend une figure d'allemande à trois, récupérée d'ailleurs par maintes traditions européennes, y compris en France.
Cette danse entre au répertoire du bal folk, en France, en 1974 et son succès la fait passer, aujourd'hui, pour autochtone auprès d'un public mal informé : danse provençale, bretonne, etc...


DANSES EN COUPLE FERME

Il s'agit de danses (valse, polka, scottish, mazurka, etc...) dans lesquelles le garçon et la fille adoptent la position dite de "danse de salon" et font, en symétrie, le même pas, à pied opposé. Populaires, mais non traditionnelles, ces danses ont d'abord connu le succès à Paris, avant d'essaimer en direction de toutes les provinces.
Répandues dans les campagnes françaises à une époque où celles-ci, toutes ouvertes aux modes citadines, ne peuvent plus être considérées comme des sociétés traditionnelles, elles ne donneront guère lieu à réélaboration locale et se maintiendront telles quelles dans leur nouveau contexte. De sorte que, contrairement à ce que croient certains groupes folkloriques, ces danses-là ne sont représentatives d'aucune tradition régionale (pas plus que les gigouillette, aéroplane, polka piquée, polka des bébés, du lapin, des moissonneurs, sept pas, etc...).


LE CERCLE CIRCASSIEN (CIRCASSIAM CIRCLE)

Le mixer que nous appelons aujourd'hui "Cercle circassien" a été recueilli en Angleterre (Northumberland), au début du 20e siècle. Tel qu'il a été recueilli, il comprenait 2 parties : La première sous forme de sicilian circle; c'est cette première partie, héritière du quadrille français qui constitue , au sens propre, le Cercle circassien. Elle se danse traditionnellement sur une jig. La seconde, dite big circle, est (à peu près) ce qui se fait aujourd'hui dans nos bals folk.
Le Circassiam circle se répand en France dans l'entre-deux-guerres. Il fait irruption dans le mouvement folk au début des années 70. Le but était de répandre des répertoires collectifs suffisamment simples pour pouvoir se transmettre sans enseignement. La version alors répandue élimine la première partie à quatre, ne conserve que le big circle et substitue aux airs de reels normalement requis, des airs de jigs irlandais, mieux connus des instrumentistes "folk" de l'époque.


LA CHAPELLOISE ou GIGUE

Contrairement à une légende tenace, ce mixer n'a pas été inventé à La Chapelle-des-Bois. Il s'agit d'un mixer suédois, appelé Aleman's marsj, lui aussi apporté en France dans les années 30. Il est ensuite enseigné, dans les années 70 à La Chapelle-des-Bois et, le titre ayant été oublié, est rebaptisé "La Chapelloise".
La danse se répand sous cette nouvelle appellation, ou d'autres : la champenoise, la gigue, l'autre cercle circassien, le rock irlandais, etc... La vogue du bal folk l'exporte hors de nos frontière, où elle passe pour une invention française. Sauf en Angleterre, où le mixer suédois se voit naturalié comme "English gay gordons".


VALSE

Idées reçues :
La valse serait l'ancienne volte provençale, qui serait apparue dès avant Philippe AUguste au 12e siècle. Cette théorie n'est pas sérieuse :
1. Il n'y a nulle mention d'une danse appelée volte nulle part avant le milieu du 16e siècle, y compris dans les traités de danse provençaux.
2. La volte disparaît complètement de la pratique dans le premier tiers du 17e siècle, et n'a donc pas pu devenir la valse à la fin du 18e siècle.
3. La volte nous est décrite en détail dans l'Orchésographie, 1588; cette danse n'a rien à voir avec la valse, ni dans sa musique, ni dans son pas, ni dans ses trajets, ni dans la façon de tenir sa partenaire.
4. Les défenseurs de la filiation volte-valse se font de la volte une idée inexacte.
5. L'argumentation des spéculateurs s'étaye d'affirmations sans documents, voire de citations fausses.

Les faits :
Avant même qu'apparaisse le substantif Walzer pour désigner ce qui deviendra la valse, deux réalités sont attestées :
1. L'application du verbe walzen, tourner, à toute danse qui tourne, y compris les rondes.
2. L'existence, au 16e siècle, de danses appelées allemandes ou polonaises (teutsch, polska), pratiquées en Allemagne, Suède, Pologne, Bohème, qui comportent une partie en cortège de couples ouverts et un Nachtanz à trois temps en couple enlacé, abondamment représenté dans l'iconographie de l'époque.
La valse, qui s'implante en France à la fin du 18e siècle, n'est pas autre chose qu'une allemande. Elle n'y rencontre d'abord qu'un succès mitigé. Mais son succès grandit vite, dans la société dominante, puis en milieu populaire (style "musette"), et enfin... dans le bal folk.


GENERALITES