Mais qu'est-ce donc, ce Boombal ?

Un petit mot pour vous expliquer ce que sont ces fameux Boombals qui apparaissent partout en Flandre depuis quelques années.
Boombal à commencé à Gent comme de petits bals, dans une salle située dans la Boomstraat (la rue de l'arbre). Cela se prononce d'ailleurs "Bôme bal" (comme "dôme donc, et pas comme "boum-bal"). C'était une initiative de Wim Claeys (Tref, Ambrozijn, Balbrozijn, Göze...) qui, entretemps, a evolué vers un vrai réseau de bals partout en Flandre, grâce aux talents d'organisation du "manager folk" Klesie (surnom de Frederik Claeys).
Il y a plusieurs endroits où se déroulent des bals mensuels. C'est surtout à Gand et à Leuven que ces bals réguliers ont le plus de succès : jusqu'à 300/400 visiteurs. D'autre part il y a des bals occasionnels, appelés "Boombal Op Voyage" (BOV), un concept qu'un centre culturel, par exemple, peut programmer : un bal précédé d'une initiation à la danse d'une heure et demie, avec 1 animateur et une dizaine d'assistants qui arrivent à faire danser n'importe quel public.

Koen Dhondt (mars 2005)



À la fin du siècle dernier (le XXe !), bien nombreux étaient les jeunes qui considéraient les danses traditionnelles comme « des trucs vieux ou folkloriques ». Mais en Flandres (partie néerlandophone de la Belgique), depuis quelques années, une étonnante évolution se produit : les jeunes se rendent en masse dans les « Boombals » !

Il s'agit sans doute du phénomène de danse le plus remarquable de ces dernières années. Le principe : reprendre le fil de nos danses traditionnelles mais d'une façon résolument moderne.

Le Boombal est né un peu par hasard en 2000. L'accordéoniste Wim Claeys (des groupes Tref, Ambrozijn et Göze) avait eu un beau jour l'idée d'organiser un bal pour entraîner ses élèves. L'événement eut lieu pendant un atelier organisé chez l'un d'entre eux, dans la rue Boom à Gand, d'où le nom de Boombal. L'ambiance conviviale était « assurée » par un vieux lampadaire et quelques guirlandes de noël. Les invités étaient tellement ravis qu'on en organisa d'autres.

L'atelier devint bientôt trop petit et en septembre 2001, le Boombal déménagea avec ses 100 à 120 danseurs dans une maison de quartier du coin. Les élèves qui jusque-là animaient la scène furent remplacés par 2 groupes. Puis la maison de quartier ne fut plus en mesure d'accueillir le flot des danseurs et le Boombal déménagea en juin 2002 au centre interculturel De Centrale. Depuis, tous les 4e mardis du mois, les Boombals rassemblent plus de 600 danseurs. Cerise sur le gâteau, depuis 2006, on danse même simultanément dans 2 salles !

Le plaisir avant tout
Le mot d'ordre du Boombal est d'offrir le plaisir de la danse en groupe ou en couple sur une musique folk contemporaine et en live. Une soirée type se décompose en 2 parties. Une première consacrée à l'initiation, lors de laquelle les danses les plus courantes sont expliquées et montrées. Au programme : valse, polka, scottisch, mazurka, andro, jig, cercle circassien et bourrée. Puis un bal jusqu'à plus soif !

Les participants sont pour une grande part des étudiants conquis par l'atmosphère, mais il y a aussi des amateurs de danse de tous âges et de tout horizon. Ils viennent même d'Anvers, de Bruxelles et de Wallonie tout exprès pour cette ambiance bien particulière ! Aujourd'hui des Boombals ont lieu tous les mois à Herk-la-Ville, Louvain, Gooik, Dranouter, Anvers, Bruxelles, Leuze, Anthée et Brugge. Il faut citer en plus les bals organisés ponctuellement par des associations à l'occasion de fêtes et qu'on appelle « Boombal en voyage ». Pendant les fêtes de Gand (10 jours en juillet), il y a aussi un Boombal quotidien depuis 2003.

À l'origine, le Boombal avait pour but de donner aux jeunes musiciens une occasion de jouer en public. Mission plutôt réussie car la rage du Boombal a généré plus de 100 bals en 2005 et plus de 200 en 2006 ! C'est sans aucun doute une magnifique opportunité pour les groupes de bal existants (tels Ambrozijn, Embrun, AeDO, Kadril, Twalseree, etc.) mais c'est aussi un stimulant important pour la nouvelle génération comme Naragonia, Lebocha, Balbrozijn, Magister, etc. Au-delà du phénomène musical, le Boombal est devenu aussi un phénomène pour la danse. On estime qu'il séduit environ 10 000 amateurs.

Le Boombal, enfant du revival belge.
Une des racines du Boombal est la « renaissance » folk des années 1960. À l'époque, la musique traditionnelle a été ressuscitée grâce à la cornemuse, aux accordéons et aux « hommels ». Ces jeunes musiciens folks jouaient des mélodies et des chansons retrouvées auprès des anciens ou dans de vieux manuscrits par des pionniers comme Herman Dewit, Hubert Boone et Renaat van Craenenbroeck. Bientôt, la Volksmuziekgilde fut créée. Tous les ans, depuis 1978, des stages sont organisés à Gooik qui est devenue la capitale de la musique folk. Pendant ces stages, on accorde une attention toute particulière à la musique traditionnelle et un peu moins aux danses qui l'accompagnent mais chaque stage se termine par un bal folk. Grâce à des festivals comme Saint-Chartier, en France, où des centaines de Belges se rendent chaque année, le répertoire de danse française a pris une grande place avec le rondeau, la bourrée et l'andro. C'est aussi par la France que sont arrivées des danses importées et adaptées d'Angleterre, les mixers. Quelques polskas suédoises et une tarentelle italienne égarée complètent le carnet de bal.

Si le répertoire est proche de celui du « bal folk » français, la musique du Boombal est différente. Les musiciens ont résolument choisi une approche innovante. À côté des instruments traditionnels, on voit apparaître des guitares basses, batteries, saxophones et autres boîtes à rythme électroniques. Les musiciens jouent surtout des compositions. C'est ainsi qu'ils se « débarrassent » de l'image folklorique qui rebutait tant les jeunes danseurs. Grâce à l'esprit d'ouverture, d'anciens musiciens ont été accueillis et les sentiments de concurrence intergénérationnelle qui ont pu exister au début ont pratiquement disparu.

Culture populaire.
Comme dans chaque mouvement de culture populaire, des phénomènes de rituels, de création identitaire et d'appartenance se développent dans le Boombal. La question d'identité est bien vite apparue avec la création d'un logo et d'autocollants. Différents fans reconnaissent consciemment ou non que le Boombal construit une part de leur identité. Ils identifient la musique et la danse à un retour chez soi, au fait de retrouver leurs racines, un confortable sentiment de « connu ». Grâce à la modernité de la forme du Boombal, il n'y a plus aucune honte à frayer avec cette tradition car le caractère ringard et les connotations politiques incorrectes d'antan sont effacées : aucune accointance avec le nationalisme ! Il n'existe pas encore de dress-code, mais on trouve déjà beaucoup de t-shirts. Le logo, imprimé sur de grandes toiles, est devenu le décor habituel du Boombal mais les lampadaires des premiers bals ont disparu. Cette recherche d'identité apparaît aussi à travers les discussions de fond sur la thématique. De façon surprenante, celles-ci n'ont pas lieu sur le site du Boombal mais sur un site comme www.folkroddels.be où passent chaque jour plus de 3000 visiteurs.

Le Boombal s'enracine dans la société. De grandes organisations comme la Croix-Rouge, les scouts et des municipalités montrent de l'intérêt pour la chose, tous les clubs de jeunes et les festivals en veulent un... C'est tout spécialement pour cela que le « Boombal en voyage » a été inventé, un Boombal qui peut être acheté en tant qu'activité, même pour les fêtes d'entreprise. La presse aussi a découvert le phénomène, la télévision nationale en est devenue le sponsor et le Boombal a gagné le prix culture 2005 du public sur la chaîne culturelle KLARA.

Les facteurs de son succès.
Pourquoi le Boombal est-il si populaire, qu'est-ce qui pousse chaque mois des milliers de personnes vers ces danses ? La réponse à cette question se trouve dans la conjonction complexe de plusieurs éléments.

Le premier point fort c'est la musique traditionnelle en live. Le folk est redevenu à la mode et a pu se débarrasser de son image ringarde, grâce entre autres à la participation réussie d'Urban Trad au festival de l'Eurovision en mai 2003 (2e place), et à de nouveaux groupes jeunes tels que AeDO et EmBRUN. Beaucoup de danseurs de Boombal, même ceux qui ne savent pas (encore) bien danser, indiquent qu'ils profitent pleinement de la bonne musique. Les bons danseurs sont reconnaissants envers les musiciens pour les frissons qu'ils leur procurent.

Le deuxième point fort réside dans le fait que la musique du Boombal est avant tout une musique à danser. Pas besoin de se sentir gêné quand on vient pour la première fois. On attend de chacun qu'il participe à la danse et personne n'a le sentiment d'être examiné. Le succès des initiations avant chaque bal est si grand que ce sont maintenant plusieurs cours qui sont organisés. Ainsi le métier ancestral de « maître à danser » est revalorisé et personnifié par des exemples éminents tels Leen Devyver et Koen Dhondt.

Troisième point fort : la convivialité. Tout le monde danse avec tout le monde, aucun risque de rester anonyme. Le rythme mensuel de ces bals contribue à la bonne ambiance et explique également l'impact plus faible des « Boombals en voyage » trop ponctuels. Un des autres facteurs importants pour la convivialité réside dans la maîtrise du volume sonore !

La revalorisation des danses de couple est un quatrième point fort du Boombal. Dans les discothèques, cette forme de contact physique direct a disparu. Il apparaît à travers les conversations et les réactions sur les sites Internet que les danses telles que la valse, la polka, la scottisch et la mazurka ont quelque chose de spécial. D'un geste, on peut inviter une partenaire et la prendre dans ses bras. À l'extérieur, on mettrait des semaines avant d'en arriver là, si toutefois on y arrivait !

Dernier point fort, provisoirement, le phénomène internet. Toutes les informations sur les Boombals circulent à la vitesse de la lumière à travers les sites www.boombal.be et www.folkroddels.be. En tapant « Boombal » sur un moteur de recherche, on obtient sur plus de 108 000 entrées. Le site internet du Boombal reçoit plus de 1000 visiteurs par jour. Il y a plus de 12 000 contacts e-mails sur les listes de diffusion électronique, tous de danseurs qui s'y sont inscrits personnellement.

Evolution du Boombal.
En 6 ans, il a bien grandi. Un réseau (informel) s'est créé entre les organisateurs locaux qui ne reconnaissent que la paternité du Boombal de Gand. C'est là que les « patriarches » Wim Claeys et Frederik Claeys (Klesie) profitent d'une part de leur célébrité et s'attachent à préserver l'esprit de départ. Beaucoup de jeunes amateurs désirent apprendre à mieux danser et des cours ont lieu partout à travers le pays. Par ailleurs, il existe depuis 2005 des réunions de musiciens qui souhaitent apprendre à jouer de la musique à danser : les TLS (session d'apprentissage de répertoire) sous la direction de musiciens folks expérimentés. Chaque Boombal se termine par un boeuf où les apprentis musiciens peuvent s'exercer. On arrivera peut-être un jour à définir un répertoire commun, ce à quoi les musiciens traditionnels flamands ne sont jamais parvenus. Ce répertoire est déjà accessible sous diverses formes sur le site du Boombal. L'émulation et la pratique se développent.

Une autre tendance se dessine. Des danseurs expérimentés sont à la recherche d'une musique un peu plus raffinée que celle des Boombals à grande échelle. C'est pourquoi le concept de « Boombal intime » a été lancé. De jeunes groupes comme Naragonia, AmoRRoma et Lebocha jouent ce type de musique où l'on rencontre entre autres les valses asymétriques et les mazurkas lentes ce qui améliore encore le niveau de danse des plus fidèles.

Le Boombal a produit son premier CD début 2006 avec les enregistrements live de 16 groupes. Celui-ci permet de faire un bal à la maison mais il ne suffit pas pour rendre l'ambiance typique du Boombal, celle de la musique live !

D'autres projets se construisent : le « Boombal jeune public », les éditions estivales du Boombal « au parc ». Le premier festival du Boombal s'est tenu du 26 au 30 août 2006 dans les environs de Gand et ce n'est certainement pas la dernière édition (ils remettent ça en 2007 !).

Pendant 5 jours, 300 à 1200 danseurs enthousiastes ont dansé et fait de la musique. Le « Boombal à l'école » se profile. Et entre-temps 5 salariés et des centaines de bénévoles travaillent sur la thématique.

L'internationalisation se construit. On a déjà invité des groupes d'Allemagne, d'Angleterre, de Suède mais surtout de France : Minuit Guibolles, Vachinton, G, VAG, ZEF, Djal et Parasol. De cette façon, les fidèles locaux sont confrontés à de nouveaux sons et l'organisation espère que les groupes de Boombal flamands vont pouvoir se produire à l'étranger. La prochaine étape, c'est la France ! La frontière est proche et la culture de la danse folk y est présente.

Luk Indesteege
(Traduction Maryvonne Wuillemin avec l'aide de Thierry Laplaud)

GENERALITES SUR LA DANSE