La Tarentelle

Notes historiques et ethnographiques

La tarentelle regroupe une vaste famille de danses traditionnelles des régions de l’Italie méridionale (Pouilles, Campanie, Basilicate, Calabre, Sicile, Molise). Seules quelques zones conservent encore aujourd’hui une tradition vivante, assidue et authentique de la danse ; en effet, un processus de profonde transformation des formes choréiques traditionnelles est en cours et est dû non seulement à la disparition du besoin de s’exprimer par le langage du corps provenant des générations précédentes mais aussi aux changements radicaux des modèles de vie dans les communautés actuelles. La grande partie des répertoires consiste en des danses en couple (et non nécessairement homme/femme) ; il existe des formes à quatre, en cercle ou en procession. Les formes à un danseur/danseuse sont plus rares. Il y a des endroits où les danseurs, appelés communément au sud de l’Italie, " ballatori ", jouent des " castagnoles " (castagnettes ou " castagnelles "). Il existe aussi des sous-groupes stylistiques qui ont une propre appellation (pizzica pizzica, ballé ncopp’o tammurrè, zumpareddu, pastorale, " trescone ", viddhaneddha, ballarella, zumparella etc.), tout comme il existe une grande variété de répertoires musicaux (en 2/4, 6/8, 4/4, 12/8 etc.) et d’instruments (chant, tambour, musette, " ciaramella ", orgue de Barbarie, accordéon, , " guitarra battente ", violon, mandoline, flûte – fraulo e friscalettu – double flûte, trompette tsiganes ou " marranzanu ", clarinette , tambour à friction etc.).
" Il n’y a plus aucun doute : le terme " tarentelle " est le diminutif, avec suffixe en " elle " (très diffus dans le sud de l’Italie) de " tarente " ; racine qui, dans presque tous les dialectes méridionaux signifie " tarentule " (lat. lycosa tarentule). Par conséquent, le nom de cette danse conduit directement au rituel des thérapies choréo-musicales du " tarentisme ". La tarentelle est depuis ses origines une danse à caractère symptômatologique, thérapeutique et extatique. L’exposé sur l’origine toponymique du latin tarentule donné au type particulier d’araignée retenu fréquent surtout sur le territoire autour de ville de la Magna Greca ionique - Tarentum – Tarente qui correspond aujourd’hui aux Pouilles centre-méridionales, est difficile à confirmer sur le plan statistique dans l’antiquité, mais l’étroite proximité entre les termes " Tarentum " et tarentule semble le confirmer. Le " tarentulisme " et le " tarentisme ", comme phénomène mythique et magico-culturel de cure ou de vénération de la morsure (" pizzico ") d’un animal, trouve aussi de fortes analogies dans d’autres régions de la méditerranée.

Une analyse en profondeur des répertoires des danses traditionnelles permet de dire que le lieu commun qui voit la danse ethnique italienne (et en particulier méridionale) comme une danse érotique et de séduction exécutée en couple, s’évanouit d’un coup ou est fortement remis en cause.
La tarentelle porte en elle une caractéristique diffuse dérivant d’une interprétation d’origine touristique : la danse en couple – précise De Simone (Chants et traditions populaires en Campanie, Lato Side, 1979) - ne doit absolument pas être associée à la danse conventionnelle d’amour entre un homme et une femme. De telles danses appartiennent au folklore de mauvaise qualité et n’expriment pas le sens culturel d’une danse traditionnelle. Réduire la danse populaire en couple – forme beaucoup plus diffuse dans toute l’Italie – à un simple jeu de conquête, d’amour, dispute, jalousie, vengeance, et autres aspects de la littérature rose prive la danse des autres dimensions et de la complexité sémantique dont elle vit. Ceci n’enlève rien au fait que l’aspect érotique est une des fonctions de la danse en général mais vu dans un horizon anthropologique plus vaste.
Dans toutes les formes en couple de la tarentelle méridionale, à coté des thèmes érotiques d’initiation-persuasion-possession-fertilité (en particulier dans le cas de la danse exécutée en couple mixte) il existe des formes par lesquelles la ritualité hiératique détachée d’exécution (on pense à la tarentelle entre deux femmes) donne à la danse d’autres connotations symboliques que l’on peut lire en clés d’interprétation différentes.

Les premières sources qui parlent de Tarentelle remontent, selon les connaissances actuelles, au XVII è siècle et sont des sources musicales liées à la cure de la morsure de la tarentelle ; bien plus antique sont les transactions médicales sur le phénomène épidémique et thérapeutique. Mais pour remonter aux citations de la danse reconnue avec le nom de tarentelle (et que l’on peut rapprocher des formes semblables aux actuelles), il faut se projeter plus en avant au XVIII è siècle.
Pour une série de causes, aucune autre expression culturelle ne peut être adoptée comme meilleure et plus profond emblème de tout le sud…
[extrait de Gala G.M., La tarentelle des bergers, Florence, Ed. Taranta, 1999]

La nouvelle mode de la tarentelle
La fuite vers l’ethnique comme rite de purification de masse.
Dans les dernières années on assiste dans le sud de la part des jeunes des villes (Naples, Bari, Foggia, Brindisi, Benevento etc.) à une redécouverte enthousiaste de la valeur des danses traditionnelles, mais en l’absence d’experts, d’études scientifiques spécifiques et de documents visuels, les processus de récupération tendent à prendre soit le chemin spectaculaire du folklore qui dénature et qui sort du contexte l’événement danse soit celui du " folk revival " de la jeunesse des villes qui vide la danse de ses propres fonctions et y ajoute de nouvelles formes et finalités qui se rapprochent des rassemblements contemporains des concerts rock ou discothèques. Et voici une bibliographie essentielle pour étudier le tarentelle sous entendue aussi bien comme danse thérapeutique que , plus communément, comme danse ludique, rituelle et religieuse. La fascination de la tarentelle (pizzica, tammuriata, tarentelle calabraise, etc.) se répand en tache d’huile et devient une emblème sociale et idéologique d’alternative culturelle à la globalisation. En été et pendant les jours de fêtes traditionnelles, on assiste à de véritables pèlerinages laïques de jeunes qui, des villes du sud et de nombreuses régions du nord, se rendent au sud pour s’immerger dans de véritables tarentelles de masse comme dans une sorte de danse mania médiévale. De cette façon, pour de nombreux jeunes, plein d’enthousiasme et d’envie de connaître les danses et traditions méridionales, et qui ont pour modèles leurs contemporains, les nouvelles danses se propagent avec la fausse prise de conscience d’être les vraies " formes antiques ". L’aspect plus contradictoire du phénomène est celui de justifier les réinventions de nouvelles danses en créant autour d’elles une aura empreinte de " classicisme " (dyonysisme, ménadisme, rites de possession, culte de la terre-mère etc.) En réalité, les danses des campagnes disparaissent et ces nouvelles formes d’invasion culturelle donnent le coup de grâce à la tradition choréique rurale et s’y substituent.

Source : La Tarentella.



Forme : danse en cercle

Danse italienne célèbre qui remonte au XVIIIe siècle, la tarentelle était alors signalée comme danse thérapeutique dans la région des Pouilles. Elle est répandue dans le sud de l'Italie, particulièrement en Calabre et à Naples. Il existe de nombreuses versions locales dans tout le sud de la péninsule où la tarentelle est la danse type qui se danse en général en 3/8 ou 6/8. On la joue sur cornemuse, guitare, lira, accordéon diatonique... mais presque toujours avec accompagnement de tambourin. Elle peut être chantée et il n'est pas rare que le chant se contente de vocalisations de syllabes dépourvues de sens.

Le nom de tarantella vient de la ville de Tarente mais également de l'araignée tarentule (lycosa tarantula). Les tarentelles ont en effet longtemps été associées à une pratique rituelle, dite thérapeutique, et que Gilbert Rouget considère comme un culte de possession. Les habitants du sud, essentiellement les femmes semble-t-il, qui se faisaient piquer par une tarentule devaient danser sur le rythme d'une tarentelle appropriée (il en existait plusieurs, chacune correspondant à une variété d'araignée) pour être guéris. Seule la danse les faisait sortir de leurs troubles. Mais cette danse ressemble furieusement à une transe de possession et il est donc vraisemblable que l'araignée et sa piqûre aient servi de prétexte ou d'écran à un culte de possession pratiqué dans une Italie trop catholique pour tolérer telle pratique. Des phénomènes semblables ont existé en Espagne et en Sardaigne (où on parle d'argia). Toujours est-il qu'en Italie, la tarentelle a longtemps été la danse liée à ce phénomène. Elle est devenue danse essentielle de cette région du pays.

Danse de couples sur deux lignes, elle mime une sorte de parade amoureuse. Parfois, la tarantelle est menée comme un quadrille et les danseurs se voient éliminés les uns après les autres. Dans le sud de l'Apennin, à Montemarano, elle se danse trois jours durant, pendant le carnaval, en procession le jour, en couples ou en cercle le soir. Plusieurs compositeurs classiques ont incorporé des tarentelles à certaines de leurs compositions. C'est le cas, notamment, de Liszt, Chopin, Weber...

Source : Accrofolk.

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